samedi 31 mars 2012

A la verticale des enfers

A la verticale des enfers est un roman de Fabio M.Mitchelli et le second opus de la future trilogie des Verticales.

Présentation de l'éditeur :
Six mois après le terrible drame de la mort de Clarisse, Chris Lanzmann, lieutenant de police à la criminelle, met fin à ses jours en se jetant du haut des trente mètres de son immeuble.Au moment de l'impact sur le trottoir, le jeune flic aperçoit des corps humains, flottant à quelques mètres du sol. Il ne comprend pas la symbolique de cette vision, encore moins la raison pour laquelle il possède toujours sa conscience...

Sohan Ordell, le flic chargé de l'enquête concernant le suicide de Chris Lanzmann, découvre alors avec l'aide du jeune médium Melvin Meideiros, que l'ex-amant de Clarisse n'avait pas les mains aussi propres qu'on le disait. Peu à peu, l'investigation les rapproche d'une effroyable affaire : les corps de plusieurs jeunes femmes sont retrouvés horriblement mutilés, dans une représentation cauchemardesque du Vitruve de Léonard de Vinci.

Qui sont ces êtres avec lesquels Lanzmann communique ? De quoi l'ex-flic était-il coupable ? Qui est l'étrange gérant de la boutique du Papillon Noir ?

Thriller fantastique à la frontière du roman d'horreur, A la verticale des enfers est un roman qui m'est vraiment difficile à chroniquer. On peut lire ce roman de deux façons, ou disons que j'ai été partagé tout du long par deux visions différentes du roman.
D'une part on a l'intrigue policière et fantastique, des policiers qui enquêtent sur le suicide d'un lieutenant de police et sur une série de meurtres morbides sur des jeunes femmes. Le fait de découvrir la série par le second opus m'a tout de même beaucoup handicapé, notamment dans la relation qui liait le défunt lieutenant et sa maitresse Clarisse. Peu touché par cette relation, toute la partie surnaturelle ne m'a malheureusement pas ému sur ce point.
D'autre part, on a l'écriture. Une belle écriture appliquée d'où émane une sorte de poésie noire qui m'a, au final, totalement fait oublié la légèreté du scénario. Les mots sont choisis avec justesse, chaque page se délecte, la magie opère.

L'art pictural qui transcendait la matière humaine, la profondeur des chairs de ses victimes.

A la verticale des enfers est un somptueux mélange de douceur et de cruauté. L'auteur réussit à décrire à la perfection un univers bien à lui, une atmosphère sombre bien particulière.
Malheureusement l'intrigue est un peu juste à mon goût. L'enquête policière se résout un peu facilement et c'est bien dommage. Mais je retiendrais principalement l'ambiance lugubre et la capacité qu'a l'auteur de décrire une scène angoissante. Une expérience à renouveler !

Les corps suspendus se noyèrent alors dans un voile épais. Les voix, les sons urbains, les images se diluèrent avec les corps dans un fondu au noir angoissant.

samedi 24 mars 2012

Les fantômes du delta

Les fantômes du delta est le nouveau roman d'Aurélien Molas aux éditions Albin Michel.

Présentation de l'éditeur :
Le Delta du Niger, l’enfer sur terre : marées noires dévastatrices, paysans réduits à la famine, guérilleros traqués par des militaires sanguinaires.
Pour les multinationales qui en exploitent l’or noir, une manne.
Mais aujourd’hui, elles ont peut-être trouvé mieux que le pétrole…
Face à leur cynisme, que pèsent les idéaux de deux médecins humanitaires bien décidés à ne pas les laisser faire ?

Le jeune auteur base son aventure sur l'histoire du rebelle nigérien Henry Okah et notamment sur son amnistie en juillet 2009. De là est née la fabuleuse mésaventure des fantômes du Delta du Niger où se rencontrent catholiques, médecins et terroristes.
Ce qui impressionne particulièrement est la maturité avec laquelle est traitée l'histoire. Aurélien Molas offre à son lecteur la possibilité de voir cette fiction comme un épisode tout à fait crédible du Delta du Niger.

Il n'y avait pas d'ivresse non plus à sentir la vie s'écouler hors de soi.

Les fantômes du delta est un polar clairement engagé. On sent toute la sympathie de l'auteur envers le genre humain. Il dénonce la misère, les violences et les enjeux politiques qui entachent les régions décrites. Il brosse avec passion le portrait des quelques personnes qui tentent tant bien que mal de remédier à ces maux. Entre missions catholiques et Médecins sans frontières, nombreux, mais trop peu, sont ceux qui interviennent chaque jour pour améliorer la vie impossible de ces africains. Mais aujourd'hui l'enjeu est d'une plus grande ampleur, il se nomme Naïs et est une petite fille perdue au milieu d'un monde effrayant ...
On parcourt de nombreux kilomètres rythmés et endiablés avec chacun des protagonistes. On vit une sorte de course contre la montre où les pages et les chapitres s'enchaînent sans qu'on puisse jamais lâcher le roman. Bien qu'il soit fourni de plus de 500 pages, Les fantômes du delta se dévore.

La peur et rien d'autre.

Les fantômes du delta est un roman surprenant qui prend aux tripes. On devine un travail titanesque derrière tout ça pour mettre en forme une histoire aussi bien ficelée et complexe. Le roman regorge de surprises et confirme tout le talent de l'auteur que l'on avait déjà remarqué dans son précédent roman ; La Onzième Plaie.

elle eut l'impression d'avoir parcouru plusieurs vies et de n'en avoir vécu aucune

mercredi 21 mars 2012

La vieille dame du riad

La vieille dame du riad est le nouveau roman de Fouad Laroui, l'auteur de l'exquis Une année chez les français.

Présentation de l'éditeur :
Comment partager son espace avec quelqu'un qui vous est totalement étranger ? Telle est la question !
À travers cette fable tragi-comique, Fouad Laroui pose la question des rapports entre la France et le Maroc dans leurs dimensions historique, affective et culturelle.

Sur un coup de tête, François et Cécile lâchent tout à Paris pour aller s'installer à Marrakech. Quel choc quand ils découvrent, dans une petite pièce au fond du riad qu'ils viennent d'acquérir, une vieille femme qui y semble installée de toute éternité. Ni l'agence immobilière ni les anciens propriétaires ne sont en mesure de leur expliquer ce qu'elle fait là. La femme est très vieille, paisible, parlant quelques mots d'un dialecte que personne ne comprend et ne paraît absolument pas disposée à quitter les lieux. Cette présence dérangeante plonge le jeune couple dans le plus profond des embarras. Pétris de valeurs humanistes, ils ne savent comment gérer cette situation. Pas question de jeter à la rue une personne aussi fragile. Aucune institution n'est prête à l'accueillir. Impossible de retrouver sa famille. Comment aménager cette cohabitation ? La faire travailler contre le gîte et le couvert ?... mais pour faire quoi ?... La considérer comme une amie de la famille ? Mais ils n'ont absolument rien en commun. Lui trouver une chambre en ville ? Impossible de la faire partir manu militari. Accomplir un acte charitable et l'accueillir comme une SDF ? Se soumettre et accepter cette étrange situation ? Mais cette présence, aussi discrète soit-elle, reste une intrusion insupportable et un viol de l'intimité de ce couple plein de bonnes intentions.
Avec cette fable drôle et touchante, Fouad Laroui s'interroge de façon faussement naïve sur les différences culturelles et leur difficile cohabitation.

C'est en flânant dans une grande librairie bordelaise que mon œil a été attiré par la couverture et le nom de l'auteur. L'auteur de Une année chez les français, m'écriais-je ! Sans réfléchir j'ai pris l'ouvrage, me sentant rassuré par le nom d'un auteur qui m'avait offert l'une de mes plus belles expériences littéraires quelques mois plus tôt.
Difficile d'en dire plus que la quatrième de couverture, alors analysons un peu le fond du texte. Fouad Laroui propose des personnages riches et particulièrement humains. Chacun d'entre eux est touchant à sa manière. Le couple de français, d'abord, qui ne connait absolument rien à l'histoire et à la culture marocaine. Un couple de français comme on en voit partout, gentil, tranquille, bien ancré dans le moule sociétal français, mais naïf, qui ne croit qu'aux vieux clichés. Viennent ensuite le voisin, l'agent immobilier qui parle un français très spécial et l'agent de police de Marrakech. Une bonne brochette de marocains tous différents les uns des autres. Les situations sont cocasses à souhait, le texte ne manque pas d'humour et nous emporte avec tellement de facilité dans ses lieux orientaux.

Le soleil levant commençait à réchauffer la terre.
Cette terre qui n'appartenait plus à sa famille.

L'humour n'est pas la seule caractéristique du roman. Il sert à l'auteur pour dévoiler calmement les différences de culture entre les deux peuples. Divisé en trois parties, le roman prend une toute autre dimension dans la seconde partie, une partie plus centrée sur l'histoire du pays et sa relation avec la France notamment.
Malgré que ce second segment de récit soit fort intéressant et historiquement riche, il casse un peu la fiction dont on se délectait précédemment. J'ai trouvé dommage qu'on quitte si rapidement ces deux français perdus dans un pays qu'ils ne connaissaient pas.
La vieille dame cachée au fin fond du riad est finalement l'élément déclencheur qui permettra à nos deux nouveaux marrakchis à s'intéresser à leur nouvelle ville et, surtout, à comprendre leur manière de vivre. La vieille dame du riad c'est deux populations qui se confrontent, deux époques qui se rejoignent, c'est également la vie émouvante d'un homme qui va devoir se battre tantôt pour son pays, tantôt pour l'envahisseur. Tout cela est servi par une plume délicieuse qui flirte efficacement avec le fantastique.

mardi 13 mars 2012

Le onzième pion

Le onzième pion est le nouveau roman de l'écrivain allemand Heinrich Steinfest, déjà auteur d'un roman atypique : Requins d'eau douce.

Présentation de l'éditeur :
Georg Stransky dîne tranquillement avec femme et enfant, quand un étrange projectile perturbe ce moment de paix : une pomme, lancée par la fenêtre. Farce d'adolescent ? À première vue, mais au matin, Georg a disparu.
Une mise en scène loin de surprendre Lilli Steinbeck, spécialiste des questions d'enlèvements, qui découvre que Stransky est le huitième à se volatiliser après avoir croqué la pomme. Cette inspectrice rousse et séduisante, dotée d un nez difforme et d'un grand flair, célibataire et couche-tôt, se lance à la recherche de Stransky. Accompagnée d un détective obèse rencontré à Athènes et d'un tueur à gages finlandais, Lilli Steinbeck va mettre les pieds dans une machination internationale. Un jeu d'échecs mortel où les dix pions sont des hommes. Si Lilli, élément perturbateur, onzième pion, parvient à ramener le disparu dans son Allemagne natale, la partie sera terminée.

Heinrich Steinfest a indéniablement du talent pour raconter une histoire. Le style est propre (bravo la traductrice) et il allie parfaitement humour et réflexion. Je ne rapproche pas la réflexion à la complexité de l'intrigue mais plutôt à la richesse des références culturelles que l'on trouve intégrées à l'histoire.
Le onzième pion est une sorte de branche à part du polar. Roman déjanté ou décalé, il réunit les délires les plus fous de l'auteur. Cela commence par une atmosphère kafkaïenne qui m'a beaucoup rappelé l'excellent film The Box. Entre l'absurde et l'angoisse, le récit ne manque pas de happer pleinement son lecteur. Et lorsque l'enquêtrice entre en jeu, on a affaire à une sorte de jeu d'échec international dont le but ultime est en rapport avec la vie et la mort.

Je suis un pion surprise. Je n'ai pas sauté sur la case où j'aurais dû atterrir.

On voyage en diagonale, on rit, on s'interroge, on vit chaque instant avec différents personnages hauts en couleur ... toutes les conditions sont bonnes pour passer un excellent moment. Chaque scène semble plus improbable que la précédente et la richesse des répliques donne à cet ouvrage une véritable valeur ajoutée.
Heinrich Steinfest montre avec ce texte qu'il est incontestablement un excellent conteur. Son précédent roman traduit en France, Requins d'eau douce, m'avait laissé sur un avis plutôt bon mais mitigé. Il me manquait ce petit déclic qui m'aurait permis de me plonger pleinement dans l'histoire. Cette fois-ci, c'est réussi ! Le onzième pion est un excellent roman complètement hors du commun.