dimanche 26 septembre 2010

Mangez-le si vous voulez

Mangez-le si vous voulez est le dernier roman de Jean Teulé à ce jour. A l'occasion de sa sortie chez Pocket début Septembre, j'en ai profité pour me le procurer.

Présentation de l'éditeur :
Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune Périgourdin intelligent et aimable, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye, le village voisin.
Il arrive à destination à quatorze heures.
Deux heures plus tard, la foule devenue folle l'aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé.
Pourquoi une telle horreur est-elle possible ? Comment une foule paisible peut-elle être saisie en quelques minutes par une frénésie aussi barbare ?
Ce calvaire raconté étape par étape constitue l'une des anecdotes les plus honteuses de l'histoire du XIXe
siècle en France.

Comme à son habitude l'auteur mélange faits historiques et fiction. Avec Mangez-le si vous voulez, Jean Teulé revient sur une terrible affaire qui a bouleversé la France de Napoléon III. Le drame de Hautefaye met en scène le lynchage cruel et barbare d'Alain de Monéys accusé sur un simple malentendu d'être du côté des Prussiens par toute une foule devenue alors hystérique.
Il n'aura fallu qu'une mauvaise interprétation des mots prononcés par le jeune noble pour que le village tout entier fasse exploser sa haine et devienne le fameux 'village des cannibales' comme l'a si bien décrit Alain Corbin. Alors que le jeune périgourdin est un homme apprécié de tous, qu'il est honnête et surtout fidèle à sa patrie et à son armée, il se retrouve pris au milieu de ce que l'on peut décrire comme une folie collective. Qu'ils soient de proches connaissances de la victime ou bien d'illustres inconnus venus le temps de la foire du village, ils vont tous être aveuglés par leur fanatisme de l'armée bonapartiste et prendre Alain de Monéys comme souffre-douleur de leur frustration face à la guerre contre la Prusse qui hante leurs esprits.

Il distribue les cailloux, métamorphose en spectacle amusant le massacre. On lui marche dessus, du pied gauche, comme si ça allait porter bonheur...

C'est toujours avec la même fraicheur, ce même ton si particulier, et le même plaisir que l'on retrouve Jean Teulé. C'est en fabuleux conteur et historien de charme qu'il continue à nous surprendre et à nous émerveiller tout en racontant les pires abominations que l'on peut imaginer. Avec son style si personnel, sa marque de fabrique en quelque sorte, il rend l'horreur à la fois pénible à supporter mais également délicieuse à subir.
Jean Teulé surprend à nouveau avec ce court roman. En plus d'être un homme particulièrement sympathique, il est l'un des auteurs français les plus originaux que j'apprécie. Et Mangez-le si vous voulez renforce pleinement l'idée que je me suis faite de lui.

jeudi 23 septembre 2010

La route de Gakona

La route de Gakona est un roman de Jean-Paul Jody.

Présentation de l'éditeur :
Pensez-vous que des ondes puissent modifier le comportement des populations, bouleverser notre climat, ou devenir des armes invisibles plus terrifiantes que la bombe atomique ? Ou croyez-vous qu’il s’agit seulement de science-fiction ?
Telles sont les questions auxquelles doivent répondre les héros de La Route de Gakona, cinquième roman de Jean-Paul Jody.
Reprenant les personnages de La Position du Missionnaire (grand prix du festival de Cognac), l’auteur nous emmène cette fois encore dans une traque haletante. Lancé à la poursuite d’un mystérieux brevet qui semble tuer tous ceux qui l’approchent, son enquêteur, Kinscoff, doit affronter les services secrets français et américains qui veulent l’empêcher de mener à bien ses investigations et le réduire au silence.
Dans les pas de Kinscoff, le lecteur traverse le Grand Nord norvégien, puis canadien, et enfin l’Alaska où se réalise, à Gakona, le programme secret baptisé HAARP.
Un thriller vertigineux, qui brûle et qui glace.

Sous ses allures de thriller et de fiction, La route de Gakona met en scène de véritables programmes militaires utilisant les ondes haute fréquence, comme le projet HAARP initialement prévu pour des recherches sur l'ionosphère. Jean-Paul Jody se sert de l'actualité mondiale et tente de démontrer que certains évènements ne sont pas toujours dus au hasard. C'est avec des preuves à l'appui et beaucoup de documentation que l'auteur dénonce l'existence d'une guerre secrète à base d'ondes.
Alors que des meurtres inexplicables sont commis et déguisés en suicide, un détective et sa jeune stagiaire se lancent sur la piste d'un probable complot. A la limite de l'imaginable et du fantastique, l'aventure entraîne nos deux héros sur les traces de l'ingénieux Nikola Tesla et de ses inventions insolites. Mais mettre les idées de cet inventeur dans les mains de l'armée est généralement synonyme de grand danger.

- Le Rayon de la mort, la modification du climat, la manipulation des cerveaux... ça fait beaucoup, non ?

Et si depuis des décennies certains gouvernements ou certaines armées avaient la possibilité de jouer avec le climat et de créer des catastrophes naturelles ? Quel meilleur moyen peut-il exister pour appauvrir des états, pénétrer dans des lieux interdits ou reconstruire des cités à son image ? Et tout cela sans pouvoir accuser qui que ce soit.
Entre complots et révélations surprenantes, La route de Gakona s'avère être un très bon roman totalement engagé et parfois très inquiétant. Bien que certains passages m'ont paru un peu trop long et que j'ai eu du mal à me projeter dans l'histoire au départ, le roman se laisse finalement savourer aisément, notamment grâce aux superbes coups de plume de l'auteur.
Difficile de décrocher une fois lancé sur cette route glacée et pleine d'embûches !

La grande faucheuse moissonnait les âmes comme blés murs au printemps, et chaque matin on alignait les cadavres de ceux qui n'avaient pas su passer la nuit.

mardi 14 septembre 2010

2030 : l'Odyssée de la Poisse

2030 : l'Odyssée de la Poisse est à la fois le nouveau roman d'Antoine Chainas et la nouvelle aventure du mythique Poulpe.

Présentation de l'éditeur :
Paris, 2030. Le Poulpe a 70 ans. Vous le pensez à la retraite ? Lui-même y croit fermement... Mais il suffit que Chéryl et lui gagnent à la Loterie Nationale Obligatoire une séance de Porn-incarnation, pour qu'il replonge, malgré quelques douleurs lombaires, dans une nouvelle enquête.
Les Omnimorphes, clones à tout faire aux facultés d'incarnation, sont victimes d'un mystérieux tueur, et ceci dans l'indifférence générale d'une société abrutie de surconsommation. Mais voici notre Poulpe bien décidé à user de tous les moyens pour sauver Georgie l'Omnimorphe, qui semble être la prochaine victime sur la liste...

Petite particularité avec ce Poulpe puisqu'Antoine Chainas le propulse une vingtaine d'années dans le futur pour le placer encore une fois au centre d'une histoire dangereuse. Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, flaire toujours les embrouilles et s'y jette en plein dedans. C'est donc logiquement qu'on le retrouve torturé par l'un des maîtres du roman noir français. Et quelle  douce torture que de se retrouver au cœur d'un roman d'Antoine Chainas !
A 70 ans, le Poulpe s'est malheureusement assagit et apparaît plus souvent comme un spectateur qu'un acteur dans l'histoire. Georgie, quant à lui, se retrouve mêlé au centre d'un complot qui vise à anéantir les Omnimorphes, ces clones que les humains peuvent contrôler à distance pour assouvir le moindre de leur désir. Mais c'est sans compter sur un étrange phénomène impromptu qui offre à ces enveloppes corporelles une âme leur permettant d'éprouver des sentiments humains comme la colère, la joie ... à l'image d'un certain CARL issu de 2001: L'odyssée de l'espace dont l'auteur fait référence.

il était fasciné par ce qui se déroulait sous ses yeux

Le Poulpe n'a jamais aussi bien porté son prénom, Gabriel, que dans ce roman. Véritable protecteur, l'archange met tout en œuvre pour protéger Georgie. Depuis toujours il se sent concerné par la défense des plus démunis ; ceux qui sont rejetés et salis par la société. Et là, il a du boulot.
Antoine Chainas traite ses Omnimorphes comme des objets, du matériel dont on se sert et qu'on jette par la suite. La science-fiction sert l'auteur, à l'image du poète La Fontaine avec ses animaux, pour symboliser les maux de la société actuelle. Tout aficionado de l'auteur retrouvera sans conteste la griffe Chainas. Le seul léger bémol à mon goût est le manque d'investissement du Poulpe, son manque de présence ... mais à 70 ans, on ne va tout de même pas lui demander de se prendre encore une énième raclée.

dimanche 12 septembre 2010

Une année chez les français

Une année chez les Français est le nouveau roman de Fouad Laroui, écrivain, poète, critique littéraire et économiste marocain vivant actuellement à Amsterdam.

Présentation de l'éditeur :
1969 : les Américains débarquent sur la Lune et Mehdi atterrit au lycée Lyautey de Casablanca. L’instituteur, impressionné par l’intelligence et la boulimie de lecture de son jeune élève, lui a obtenu une bourse dans le prestigieux établissement français.
Avec cet humour corrosif qu’on lui connaît, Fouad Laroui raconte le choc culturel que représente pour le petit Marocain la découverte du mode de vie des Français : ces gens qui vivent dans le luxe, mangent des choses incomestibles, parlent sans pudeur et lui manifestent un intérêt qu’il ne comprend absolument pas.
Entre Le Petit Chose et Le Petit Nicolas, l’histoire émouvante et cocasse d’un enfant propulsé dans un univers aux antipodes de celui de sa famille.

Bien que le début du roman nous prévient qu'il s'agit d'"un ouvrage de fiction", on peut tout de même se poser la question si Une année chez les Français n'est pas truffé d'anecdotes autobiographiques. En effet, dans sa jeunesse, l'auteur a été lui même choisi pour intégrer le lycée Lyautey à Casablanca. D'autant plus que la disparition du père du jeune personnage, Mehdi, est identique à celle du père de Fouad Laroui (d'après un entretien qu'il a eu avec une journaliste de Le Monde).
Mais outre l'histoire du petit personnage, ce roman chante avec beaucoup de douceur et d'appétit les louanges de la langue française. Chaque mot résonne comme un coup de cuillère plantée avec  appétence dans un succulent gâteau au chocolat. Les prononcer donne l'impression de goûter du bout de la langue à cette pâtisserie qui affole vos papilles gustatives.

Lui, fou ? C'était plutôt le monde qui avait perdu la raison : tous ces fantômes, éperdus...

Depuis qu'il a appris à lire, Mehdi ne passe jamais plus de quelques minutes sans livre à portée de main. Impressionné par la soif de connaissance de son élève, l'instituteur du petit village de Beni Mellal fait des pieds et des mains pour que Mehdi bénéficie d'une bourse lui permettant d'intégrer le célèbre lycée français Lyautey à Casablanca.
Dès son arrivée dans le territoire francophone, Mehdi ne manque pas de surprendre les habitués des lieux par son mutisme d'abord, puis par sa capacité à apprendre et à retenir des citations et des poèmes. Sorte de bête curieuse aux yeux de tous, Mehdi se réfugie souvent dans ses pensées. Le lecteur peut ainsi suivre l'imagination fantasque de cet enfant terrorisé par un mode de vie tellement éloigné du sien.

Phrase énigmatique, merveilleuse, avec tous ces mots inconnus, ces noms, ce "pliée" insolite...

Mais Mehdi se fait petit à petit une place parmi les élèves et trouve même en Denis et ses parents une nouvelle famille avec qui partager les fêtes chrétiennes. Là encore son inculture religieuse fait sourire et de nombreux jeux de mots fusent et amusent le lecteur.
Fouad Laroui joue aussi bien avec son personnage qu'avec les mots. En portant à dérision certaines expressions, il montre à quel point la langue française est riche. L'auteur cuisine les mots et laisse s'évaporer les odeurs au parfum de fraicheur. Il nous apprend tout simplement à apprécier le goût des mots et à nous imprégner d'eux afin de savourer les diverses références littéraires citées tout au long du roman.

Ce monde où l'ange, c'était lui.

Sélectionné auprès de nombreux et prestigieux écrivains pour le prix Goncourt de 2010, Fouad Laroui redonne du goût à la langue française et nous offre un florilège de ses mots les plus appétissants. Il traite son récit avec beaucoup d'humour et de légèreté.
Une année chez les Français est une expérience très particulière dans le monde de la littérature et m'a offert l'une de mes plus belles lectures de l'année.

mercredi 8 septembre 2010

Le Touriste

Le Touriste est un roman d'Olen Steinhauer sorti chez Pocket début Juillet.

Présentation de l'éditeur :
Pas facile de prendre sa retraite quand on a été agent secret...
Milo Weaver est un ancien « touriste », agent très secret de la CIA recruté parmi l'élite de l'élite pour mener à bien des missions dans le monde entier. En solitaire.
À la suite d'une sombre histoire impliquant la mafia russe, Milo est rappelé aux États-Unis et occupe un poste de cadre au sein de l'Agence, menant enfin une vie normale avec sa femme et sa fille.
Son passé le rattrape pourtant et des révélations fracassantes font voler en éclats sa vie rangée. Contraint d'abandonner pour un temps sa famille, Milo replonge dans la clandestinité et redevient un « touriste ». Pour lui, le voyage ne sera pas de tout repos...

Le Touriste est un pur roman d'espionnage. L'auteur tente de rapprocher son personnage principal, Milo Weaver, du célèbre Jason Bourne de Robert Ludlum en lui attribuant tantôt le titre d'agent (très) secret, tantôt le rôle de cible de toutes les agences policières du monde. Mais malheureusement, son personnage se transforme assez vite en héros à l'américaine avec les clichés qui s'y associent.
Milo Weaver reste cependant un personnage intriguant au passé trouble. Entre le secret de son travail et sa famille à laquelle il tient plus que tout, Milo sait qu'il n'y a qu'un maigre fossé les séparant. Tout dérapage peut mettre sa femme et sa fille en danger, notamment lorsque Milo apprend qu'il est, lui même, la proie d'un touriste ...

Il faut reconnaître à Olen Steinhauer la richesse de ses idées. Le récit ne manque pas d'imagination et les pistes se multiplient, parfois trop d'ailleurs, pour offrir un intense suspense au lecteur. Mais son style littéraire calme vite cet élan d'excitation et parsème son texte de nombreuses longueurs et autres anecdotes bien souvent inutiles. De plus, une multitude de personnages font leur apparition et je regrette que l'auteur n'ait pas insisté sur certains d'entre eux. Olen Steinhauer ne laisse pas le temps à son lecteur d'apprécier ou de haïr ceux-ci. Dommage.

Le Touriste n'est pas un mauvais roman mais il est bien trop inégal pour satisfaire pleinement ma soif d'intrigue. Heureusement, l'auteur termine sur une bonne note en offrant un final fort. Le roman devrait tout de même pleinement combler les amoureux d'espionnage.

samedi 4 septembre 2010

Le Mensonge

Le Mensonge est un roman de l'américaine Hallie Ephron.

Présentation de l'éditeur :
Ivy mène une vie paisible avec son mari David. Après deux fausses-couches, elle attend de nouveau un enfant. À l’occasion d’un vide-grenier, le couple retrouve une camarade de classe, Melinda, également enceinte et qui semble bien connaître leur maison. Le lendemain, Melinda a disparu ; ses vêtements ensanglantés sont retrouvés dans une vieille malle devant chez eux, et son sac à main avec un couteau derrière l’entreprise de David. Il est aussitôt arrêté par la police. Ivy, sur le point d’accoucher, décide alors de mener sa propre enquête. Deux autres cadavres, des photos de David chez Melinda, et Melinda qui réapparaît... le mystère s’épaissit !

Notons que la quatrième de couverture offre un spoiler de taille qui m'a fortement gâché le plaisir d'être surpris. L'intrigue se retrouve par conséquent largement affaiblie par cette gourde de l'éditeur. Dommage, car malgré les nombreux clichés, ce thriller offre des personnages intéressants et assez attachants. Hallie Ephron tente par de nombreux moyens de créer une ambiance de thriller dit 'psychologique'. Pour ma part, j'ai trouvé sa tentative assez loupée, notamment par ses choix stylistiques.

Certaines scènes commencent pourtant assez bien et font monter doucement la pression pour mieux essayer de nous surprendre par la suite. Mais le style de l'auteur s'essouffle et le lecteur ne se laisse guère étonné par la suite des évènements. Hallie Ephron se laisse attendrir par ses personnages et leur offre toujours une porte de sortie trop facilement. Elle tombe également trop vite dans le piège de la romance qui gâche un peu l'atmosphère déjà fragilisé.

Dans l'ensemble, Le Mensonge est un assez bon roman qui n'est pas forcément destiné aux amateurs de thriller. Hallie Ephron a une douce écriture mais manque cruellement d'originalité.