lundi 28 octobre 2013

Pur

Pur est le nouveau roman d'Antoine Chainas, l'auteur des excellents Versus et Anaisthêsia (pour ne citer qu'eux) tous sortis à la Série Noire de Gallimard.

Présentation de l'éditeur :
«Cet endroit donne tout son sens à notre combat, Patrick. Les gens de l’extérieur pensent que nous nous barricadons par peur d'autrui, par étroitesse d’esprit. Mais nous ne sommes pas hermétiques, bien au contraire. Et ceux qui nous taxent de racisme ont tort aussi. Personne n’est plus ouvert sur le monde que nous. Qui voyez-vous ici? Des Suisses, des Norvégiens, des Suédois, des Américains, des Anglais… Des banquiers internationaux, des gestionnaires de capital multinational, des artistes qui voyagent partout sur le globe, des ingénieurs membres d’équipes polyglottes. Expliquez-moi qui d’autre pourrait être mieux au fait de l’état de notre époque? Dites-moi de quelle expérience peuvent se prévaloir ceux de dehors? Quel sort funeste les attend dans ce chaos égalitaire, ce monstrueux fourre-tout qu’ils ont eux-mêmes engendré? Ce domaine que vous voyez est peut-être un des derniers où les valeurs, les règlements ont force de loi. Ce ne sont pas les races ni les religions qui nous préoccupent, mais la misère. Voilà ce que nous voudrions éradiquer. On pourrait considérer qu’en un sens, nous sommes les ultimes philanthropes.»

Antoine Chainas revient enfin avec un nouveau roman noir aux allures pré-apocalyptiques. Sans la présence d'indication temporelle exacte, on peut dire que l'auteur utilise le mode de l'anticipation pour nous introduire dans une France proche d'aujourd'hui dans laquelle la peur fait régner sa loi. Les groupuscules d'extrême-droite montent en puissance et le peuple se divise encore plus qu'il ne l'était. Au milieu de tout ça, il y a Patrick Martin. Quadragénaire, bien portant, marié et dont le métier rapporte pas mal. Mais il vient de perdre sa femme dans un terrible accident ...
Sa version des faits ne convainc pas totalement la police. D'un côté, on a le capitaine Durantal qui semble honnête, expérimenté mais un peu trop porté sur la bouffe et de l'autre, Alice, la jeune métisse, qui fricote avec Force et Honneur, un grand groupe extrémiste. Deux caractères diamétralement opposés qui vont croiser la route de Patrick et vont l'aider (ou le pousser) à choisir sa voie. Ce dernier sent monter la haine au fur et à mesure que les interrogations arrivent et commence à rêver de vengeance.

Dans le monde décrit par Antoine Chainas, les plus aisés vivent dans des villes barricadées sous haute surveillance. Les critères d'admission sont sévères pour accéder à ce semblant d'Eden. C'est là d'ailleurs que vivent Julien et Amandine, deux jeunes amis formatés à ce nouveau mode de vie. Bien qu'Amandine ait vécu quelques temps à l'extérieur des murs dans son enfance.
Pour seul divertissement, leur quartier propose l'accès à toutes les caméras de surveillance présentes dans les rues afin que chacun puisse espionner son voisin et, bien évidemment, dénoncer les actions jugées hors du règlement.
Celui qu'on appelle Le Révérend, pour sa forte croyance et son côté guide / protecteur, est un peu comme le chef de cette ville fortifiée. Il est d'ailleurs le père de Julien. Ancien para-militaire et étudiant d'une grande école, il multiplie les expériences qui font de lui un bon conseiller et un homme rassurant. Mais ses convictions politiques sont pour le moins extrémistes et laissent son fils songeur tandis que le reste de la famille semble enfermée dans un mutisme et un comportement pré-formaté qui les empêchent d'agir tout simplement comme des êtres humains.

L'auteur commence son histoire d'un grand coup de plume. Dès les premières pages on succombe à son style parfaitement fluide et poétique. De la même manière qu'aurait filmé Cronenberg, Antoine Chainas trouve les mots parfaits pour décrire avec justesse et esthétisme une femme accidentée, se rapprochant peu à peu de la mort. On en tomberait presque amoureux tellement elle semble belle malgré le sang et les débris l'entourant.

Pur est une histoire qui tend petit à petit vers un final que l'on devine inévitablement apocalyptique. Une tension omniprésente. Des rencontres hasardeuses. Et des manipulations. Et puis au milieu de tout ça, on apprend qu'un sniper fait rage dans la région tuant uniquement des personnes de couleur. Aucune piste sur l'identité de ce tueur urbain. Rien. Nada. La police fait choux blanc. On devine assez bien les intentions de ces actes mais personne ne les revendique. Un mystère de plus pour les enquêteurs ...

Tout au long du roman j'ai senti que l'auteur voulait garder le même rythme, la même intensité, afin d'installer un climat tendu et nous entrainer dans le brouillard jusqu'à ce que se dessinent le dénouement et le rapprochement entre tous ces personnages. Antoine Chainas nous livre une fois de plus un grand final. Sous un texte d'anticipation, il nous confie ses craintes, ses plus grandes peurs concernant le tragique destin vers lequel la France semble se tourner. Et que les sondages actuels paraissent malheureusement confirmer ...

2 commentaires:

L'Echange des princesses de Chantal Thomas a dit…

J'aime vraiment le style d'écriture. C'est un auteur que j'aimerai découvrir de plus en plus.

MiKa ... a dit…

Je ne sais pas si vous avez lu ses autres romans, mais si vous avez aimé celui-ci, jetez-vous sur les autres !